Culture courte (cycle cultural de 2-4 mois selon la variété) et facile (peu d’entretien).
On peut distinguer le chanvre battu cultivé pour la filière textile (graines + pailles), du chanvre non-battu (pailles), dont les itinéraires techniques respectifs et les variétés utilisées diffèrent.
Conditions de croissance :
Le pH doit être supérieur à 6 (ne convient pas pour des sols acides), avec un pH optimal entre 6 et 8.
Croissance adaptée à des sols et climats variés, avec une préférence pour un climat doux présentant une atmosphère humide et au moins 600-750 mm de pluie par an. Idéalement, le sol doit être suffisamment profond, bien ventilé et doté d’une bonne capacité de rétention de l’humidité et des nutriments.
Sensibilité extrême aux sols compactés et saturés d’eau. Une bonne humidité est toutefois requise depuis la germination et jusqu’à l’établissement des jeunes plants.
Plantation :
Printemps, à partir de mi-avril pour la culture « graines + pailles » (=chanvre battu) et à partir de mai pour la culture « pailles seules » (=chanvre non-battu).
Semoir à céréales.
Semer sur un sol bien ressuyé, réchauffé (10-12 °C) et meuble (sans semelle de labour). Le lit de germination doit être fin.
Profondeur de semis de 2-3 cm pour une densité de 40 à 50 kg/ha (jusqu’à 65 kg/ha dans le cas du chanvre non-battu).
Fertilisation :
Besoin en matière organique : 20 à 40 t/ha de fumier de bovin, 10 à 20 t/ha de lisier de porc ou 3 à 5 t/ha de fiente de poule.
Optimum de fertilisation en azote (N) : 60 unités d’azote recommandées pour la récolte de chanvre battu et 90 unités d’azote recommandées pour la récolte de chanvre non-battu.
Récolte :
Fauchage entre juillet et septembre, le moment de récolte va influencer la valorisation des fibres/pailles.
Chanvre non-battu : s’il est destiné à la fabrication de textiles, il doit être fauché avant la formation des graines, par exemple début de la floraison ou pendant l’émission du pollen.
Chanvre battu : deux moments de récolte. Une première moisson pour les graines 4 à 6 semaines après la floraison tandis que les pailles restent sur pied et sont récoltées après l’hiver. Ces dernières, très ligneuses car fauchées après la récolte des graines, ne peuvent servir qu’à la fabrication de matériaux industriels non tissés.
Fauchage à l’aide d’une ensileuse modifiée pour la fauche du chanvre, qui va couper les tiges en plusieurs morceaux (ce matériel n’est pas disponible en Belgique actuellement).
Après fauchage, le rouissage de la paille de chanvre en andains sur champ prend entre 3 et 6 semaines, en fonction des conditions météorologiques.
Stockage :
Pressage en balles après la phase de rouissage.
Les balles doivent être stockées à l’abri de l’humidité afin de stopper le processus de rouissage et d’empêcher le pourrissement des fibres (les tiges doivent contenir moins de 15 % d’humidité au moment de la mise en balle, et ensuite descendre jusqu’à 10 %).
Après la récolte, il est nécessaire de dépoussiérer et défibrer le chanvre pour séparer la chènevotte de la fibre.
Atouts :
Culture adaptée à une grande variété de sols et de climats.
Culture à grand rendement, résistante aux maladies, demandant peu d’intrants et aucune irrigation.
Risques :
Herbivorie à l’implantation.
Compétition avec les adventices pendant le stade de germination (0 à 30 jours).
Sensibilité au gel et aux sols compactés et très humides.
Disponibilité des graines en Europe : prix en général autour des 5 €/kg, mais dépend des variétés (jusqu’à 25 €/kg pour la variété Carmagnola Selected).
Culture facile nécessitant peu d’entretien : uniquement du temps nécessaire à la préparation du sol, au semis, à la moisson et à la récolte après rouissage.
Rendement : pour un climat similaire à celui retrouvé en Belgique : généralement entre 7 et 13 t MS/ha, avec un maximum de 1200 kg graines/ha et 4 t fibres/ha. 1 t de chanvre pour les fibres : 55 % de chènevottes, 30 % de fibres totales, 15 % de poussières.
Valorisation non-alimentaire :
Les fibres de chanvre sont utilisées pour la confection de cordages, tissus et pâte à papier.
La chènevotte est utilisée dans les enduits/bétons et en paillage (espaces verts et litière animales).
On développe aujourd’hui de nombreuses autres valorisations, notamment en chimie verte et pour la fabrication de biomatériaux (matériaux composites, matériaux isolants en écoconstruction).
Prix de vente :
Ecoconstruction : 75 €/m2 pour un mur en chanvre enduit, 90-95 €/m2 pour un mur fini.
Pailles : entre 130 €/ha et 175 €/ha.
Graines : 650 €/ha.
Litière animale : 8 € pour un sac de 200 litres de copeaux de chanvre).
En Wallonie, la culture du chanvre bénéficie des aides de la PAC (prime à l’hectare), et elle est inclue dans l’une des MAE C. En Flandre, des subventions sont accordées quand le chanvre est cultivé sans intrants. Aucune subvention n’est accordée en Hauts-de-France.
Avantages potentiels :
Marge brute à l’hectare de 650 €/ha pour le chanvre battu et non-battu.
Permet la diversification des productions agricoles et des sources de revenus.
Demande en hausse pour la biomasse de chanvre.
Contexte interrégional favorable. De nombreux projets de recherches sont en cours en France (par Lin et Chanvre Bio « LCBio »), en Wallonie (par Valbiom) et en Flandre (par HoGent).
Freins potentiels :
Subventions nécessaires pour garantir la rentabilité.
Nécessite des machines adaptées pour récolter et défibrer le chanvre à un prix abordable.
Des débouchés existent mais la récolte et le traitement de la biomasse restent un maillon manquant pour la rentabilité de la chaine.
En Belgique, la faillite en 2019 de l’usine de défibrage BeHemp (créée fin 2016 en Wallonie, à l’initiative de la coopérative agricole Belchanvre) a entrainé à son tour la faillite de Belchanvre. Suite à cela, les superficies de culture de chanvre ont chuté en dessous des 20 ha. Depuis fin 2019, il n’y a plus ni usine de défibrage active en Belgique, ni production de chanvre pour la fibre.
Hauts de France :
La culture de chanvre est une culture ancienne qui connait un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années. Plus de 12000 ha de chanvre sont cultivés en France.
Des essais similaires à ceux de HoGent (Flandre) sont menés par Lin et Chanvre Bio (LCBio) depuis plusieurs années. LCBio a lancé une série de jeans composés à 100 % de chanvre français.
Wallonie et Flandre :
Production : En Flandre, le chanvre connait un renouveau depuis les années 90. Des agriculteurs ont planté du chanvre ces dernières années mais des problèmes liés à des taux de THC trop élevés lors de la récolte les ont dissuadés de poursuivre l’expérience. Le département « Landbouw en Visserij » montre les chiffres de production de chanvre depuis 2005 avec une croissance à partir de 2010. En 2019, la surface de chanvre cultivée en Flandre était de 70,46 ha (cf. figure suivante [2] ). En Wallonie, la faillite de Belchanvre en 2019 a entravé le développement de la filièreen Belgique. Actuellement, un manque d’expérience est constaté dans l’utilisation des machines existantes, conjugué à un manque de machines adaptées à la fauche et au dépoussiérage/défibrage [3].
Utilisation : La demande en chanvre augmente progressivement en Wallonie et en Flandre. En Wallonie, il est vendu pour faire du paillage, et depuis 2007 sous forme d’isolant en béton de chanvre projeté, destiné à une utilisation dans le domaine de l’écoconstruction. 200 kg de copeaux de chanvre sont nécessaires à la production d’1 m3 de béton de chanvre projeté. En Flandre, on utilise la chènevotte de chanvre pour la production d’isolant en béton de chanvre projeté.
Recherches : En Wallonie, ValBiom a été mandatée pour réaliser une étude sur les débouchés des fibres végétales en tant que fibres techniques ou textiles. Des actions plus spécifiques liées au textile ont été menées pour développer un tissu naturel et d’origine locale en chanvre. L’intérêt du monde de la mode pour des textiles locaux et écologiques est palpable [4]. En Flandre, HoGent continue la recherche sur le chanvre ‘fibres longues’ cette année avec les projets Hemp4Textiles (dont ValBiom sera membre du comité de suivi et dont Inagro est partenaire) et Cannabisness. Enfin, il existe actuellement le projet COMPOSENS, projet INTERREG visant à développer des biocomposites légers et recyclables à partir de fibres végétales naturelles (lin et chanvre). Celui-ci n’est pas en lien avec les sites marginaux .
Avantages potentiels :
Lutte pérenne contre l’érosion pendant la durée de culture.
Culture résistante à la sécheresse grâce à son système racinaire profond. Elle ne nécessite donc pas d’irrigation.
Culture très peu demandeuse en intrants, un itinéraire bio est aisément envisageable. La culture ne nécessite pas non plus de produits phytosanitaires car elle n’est pas sujette ni aux maladies ni aux ravageurs.
Bilan carbone négatif grâce au stockage de carbone dans le sol. 1 ha de chanvre absorbe 15 T de CO2, soit autant qu’1 ha de forêt.
Possible intégration dans un projet de phytoremédiation.
Excellente tête de rotation qui structure le sol grâce à ses racines pivotantes, permettant ainsi de favoriser la lutte contre les maladies et les adventices pour les cultures suivantes.
Culture pouvant rentrer dans les conditions de Mesures Agro-Environnementales (MAE) « culture favorable à l’environnement » [5].
Désavantages potentiels :
Emanation de poussières lors de la récolte et du traitement de la biomasse (défibrage).
Avantages potentiels :
Bonne perception générale de la culture, considérée comme pouvant contribuer au développement d’une économie locale, durable et solidaire.
Culture annuelle s’adaptant bien à la gestion transitoire des sites marginaux.
Dynamique actuelle en Wallonie (en 2021) visant à créer du fil belge à base de chanvre, ce qui suscite l’intérêtdes écoles de stylisme. Des essais sont menés par Valbiom sur champ, on s’attend donc à disposer de en tissus 100% chanvre d’ici juin 2022 [6].
Désavantages potentiels :
Forte législation et contrôle autour de la culture, en raison de son lien avec la drogue.
Poussières.
Besoin de temps aux agriculteurs wallons pour se relever de la faillite de la filière en 2019.
Culture adaptée aux sols contaminés par les éléments traces (ETM) : peut être intégré dans un projet de phytoremédiation, les organes aériens sont valorisables car le chanvre a un comportement « excluder » face aux ETM.
Culture autorisée seulement pour les agriculteurs possédant un numéro agricole et ayant soumis une demande de culture en parallèle de leur déclaration de superficie agricoles pour les aides de la PAC. Cela signifie à priori que ces cultures ne peuvent être plantées que sur des zones agricoles.
En Wallonie, Valbiom investiguela possibilité de cultiver du chanvre sur sites marginaux (pratique peu répandue dans la région à l’heure actuelle). Des essais ont également été réalisés en laboratoire par l’Université Catholique de Louvain (notamment pour le projet MisChar en France) et par Gembloux Agro-Bio Tech (pour le projet Tropical Plant Factory). Le succès de l filière sur site marginal dépend plus globalement du succès de la filière en général. Cependant, celle-ci connait actuellement une période de trouble. En ce moment, la Wallonie (Valbiom) essaie de développer la valorisation dans le textile, à l’instar de la Flandre avec le projet Hemp4Textiles.
Le chanvre est un bon candidat pour la valorisation des smarg , mais les utilisateurs/récolteurs de fibres ont tendance à s’opposer à la culture de chanvre sur smarg car il est nécessaire d’avoir un sol de qualité pour obtenir des fibres de qualité. Si la volonté n’est pas de produire une fibre longue de qualité, les smarg peuvent alors être envisagés.
Interalia investigue le potentiel de plantation sur zones de captage, mais les zones complètement noyées (par exemple les abords des cours d’eau) doivent tout de même être évitées.
Pas de sensibilité à la sécheresse.
Risques : Il faut faire attention aux critères de qualité/santé des fibres de chanvre lors de la valorisation textile, étant donné leur contact avec le corps humain.
Numéro d’agriculteur obligatoire pour la cultivation du chanvre.
Seules certaines variétés de chanvre sont autorisées (une liste est disponible), et un certificat de semence est nécessaire.
La concentration en THC peut être problématique (variété Finola). En Belgique, pour bénéficier des aides PAC, le niveau maximal de THC ne peut pas dépasser 0,2 %.
En Belgique, les agriculteurs sont obligés d’introduire une demande de cultivation auprès des autorités (avec envoi des certificats des semences, emplacement et surface de la culture) et d’obtenir leur accord avant le semis [8].
La majorité des informations proviennent des données internes aux organismes de référence (par exemple des rapports sur la culture provenant de Valbiom ou INAGRO) ou récoltées auprès de producteurs, mais aussi des sources indiquées ci-après.